L'écoanxiété en 3 questions
Posté le 22/03/2019
L'écoanxiété, in Les news de Géopsy
L’écoanxiété, c’est quoi ?
Pour exprimer les choses simplement, on peut dire que l’écoanxiété, c’est le nouveau trouble des jeunes générations, celui des paniqués du climat, des anxieux de l’écologie, une nouvelle forme de stress engendré par les actions néfastes des humains sur la planète.
Le terme « écoanxiété » nous vient de l’écopsychologie, mouvement qui s’intéresse aux relations de la psyché avec son environnement ou sa « maison terrestre ». Il a été inventé en 1992 par le sociologue et historien californien Théodore Roszak, pour traduire l’idée que nos troubles seraient causés par le caractère trop distant que l’Homme entretient avec la planète et les dommages qu’il lui fait subir.
Plus récemment, l’écoanxiété renvoie à la crise écologique mondiale que nous traversons car nous sommes tous concernés par le réchauffement climatique et sensibilisés aux catastrophes environnementales qui se manifestent dans le monde entier. Cette réalité concrète et ses conséquences sur la santé nous font prendre conscience des dangers encourus par une humanité qui paradoxalement détruit l’environnement dans lequel elle peut se reproduire et continuer de vivre.
Or, cette sensibilisation environnementale, à la fois collective et individuelle, est douloureuse parce qu’elle nous oblige à ouvrir les yeux sur des actes que nous avons commis et qui mettent nos vies en danger, ce qui ne va évidemment pas sans angoisses.
Cette prise de conscience donne naissance à l’écoanxiété, symptôme proche de l’anxiété classique. Mais ce qui la différencie d’un simple stress, c’est la dimension de désespoir qui s’y ajoute. L’écoanxiété se rapprocherait donc d’une forme de mélancolie avec son cortège d’auto-reproches, de culpabilité et de sensation de fin du monde. Ce sentiment est amplifié par l’impression de ne rien pouvoir faire pour contrer le changement climatique et conforte le sujet dans le fait qu’il est impuissant face à cette réalité. Cette absence de perspective peut se traduire par une souffrance morale qui revêt différentes formes cliniques, allant des troubles du sommeil à la dépression dans les cas les plus graves.
Est-ce qu’une tranche d’âge de la population semble plus touchée par cette problématique ?
Il suffit de voir qui s’est mobilisé le 15 mars dernier. Les jeunes, lycéens et étudiants, étaient presque 30 000 (selon la Préfecture) à avoir séché les cours pour répondre à l’appel de la suédoise Greta Thunberg, le nouveau visage d’une jeunesse écolo engagée, qui elle-même a fait passer son combat avant sa scolarité ! Ce sont eux qui ont tiré la sonnette d’alarme pour nous rappeler que le capitalisme est en partie fondé sur les énergies pétrolières et que le transit écologique ne se fera pas sans mesures sociales et économiques. Cela ne veut pas dire que les plus âgés soient moins touchés, mais ils le manifestent moins.
Cette nouvelle génération a de fortes préoccupations écologiques qui vont bien au-delà de la simple conscience écologique que nous avons d’ailleurs plus ou moins acquise avec le temps. C’est-à dire qu’elle prend d’autant plus en considération les négligences et les maltraitances de ses aînés à l’égard de la planète, qu’elle en subit les conséquences. Cette prise de conscience aigüe se traduit par une grande anxiété, voire des affects dépressifs avec une difficulté à se projeter dans l’avenir pour certains. A quoi bon avoir des enfants si c’est pour les voir mourir d’un cancer avant que nous ayons rendu notre dernier souffle ? A quoi sert de donner la vie puisque nous continuons de détruire celle qui en est à l’origine ? D’ailleurs l’un des slogans de la marche mondiale pour le climat était : « Fin de mois, fin du monde, même combat ». Ce qui en dit long sur les préoccupations de ces jeunes.
En même temps, lorsqu’on sait que les émissions de gaz à effet de serre continuent de grimper, plaçant la planète sur une trajectoire de plus de 3 °C de réchauffement, et qu’il faut attendre que le pic de pollution atteigne 80 à Paris pour que le gouvernement autorise la circulation alternée, il y a réellement de quoi s’inquiéter !
Mais si l’on doit remédier à cette entreprise de destruction, la solution viendra en grande parte de ces jeunes manifestants parce qu’ils nous ont montré qu’ils étaient capables de dépasser leur angoisse pour passer à l’action de manière très constructive. Le travail et les démarches de Greta Thunberg ont porté leurs fruits puisqu’elle a réussi à mobiliser des jeunes du monde entier qui la soutiennent dans son combat. Et c’est un début très prometteur !
Quelles sont les « astuces » de psychologue pour mieux gérer son écoanxiété ?
L’angoisse, telle que conceptualisée par Freud, est un signal d’alarme, une alerte interne qui nous signifie que nous sommes devant une situation de danger. L’angoisse peut être sans objet, diffuse. On est anxieux mais on ne sait pas très bien pourquoi ni de quoi. On parle alors d’angoisse sans objet.
Dans le cas de l’écoanxiété, nous connaissons l’objet cause de l’angoisse, qui est la dégradation constante de notre planète. Et cet objet-là est bien réel !
Un lien vital, à la fois physique et psychologique, nous relie à la nature, mais ce lien est mis à mal par la vie moderne. Nous nous sommes comportés avec la planète comme des enfants ingrats pressés de s’affranchir d’une Terre-mère dont nous sommes dépendants et nous en payons le tribut. A force de vouloir s’y opposer par la maitrise de nouvelles technologies, nous avons gagné en indépendance mais nous vivons coupés de la nature, ce qui engendre des désordres nerveux (trop de stimulations sensorielles) et des problèmes de santé dus à la pollution, y compris sonore.
Si dans le cadre de notre pratique de psy, nous sommes amenés à rencontrer des patients qui souffrent d’écoanxiété, notre rôle est, comme avec d’autres pathologies, d’écouter, d’analyser, et de découvrir l’origine de ce trouble, en établissant le lien avec d’autres angoisses plus archaïques. Mais aussi de travailler sur leur relation peut être ambivalente (amour/ haine) à la nature. Ce travail d’élaboration et de compréhension, peut aider ces patients à ne plus se laisser déborder par leur angoisse, mais au contraire à la sublimer en engageant des actions concrètes pour prendre soin de notre planète qui, tout comme notre mère (pour reprendre la métaphore de la terre-mère), nous a vus naître et aidés à grandir.
A mon sens, il est primordial que nous reprenions conscience de ce lien pour agir dans le respect de la planète. Car prendre soin d’elle, c’est aussi prendre soin de nous. Pour cela, commençons par apprécier sa beauté et ses bienfaits en s’offrant de temps en temps une balade en forêt, dans un parc ou le long de la plage. Trente minutes de marche suffisent à nous faire sentir mieux, car les recherches le prouvent : la nature nous fait du bien au moral, apaise et diminue le stress.
Et pour lutter contre l’anxiété, devenons un écocitoyen responsable et agissons. Tout d’abord en améliorant notre comportement écologique au quotidien, en consommant moins mais mieux, en privilégiant les transports en commun, en jardinant… Bref, en se mettant au vert !
Transformer une souffrance morale en actions est probablement le meilleur remède à l’éco-anxiété, mais aussi un bon moyen de se racheter une conduite vis-à-vis de Dame Nature.