Le coronavirus: effets traumatiques et bénéfiques
Avec la pandémie qui se propage dans plus de vingt pays, nous vivons une situation inédite. En France, jusqu’à ce que le covid 19 ne se répande dans le département de l’Oise, le virus nous paraissait lointain et nous observions avec une compassion distante la situation dramatique que vivaient les habitants de la ville de Wuhan.
L’OMS a classé l’épidémie comme « une urgence de santé publique de portée internationale » et le coronavirus a franchi nos frontières. Il s’est aujourd’hui largement répandu en Europe, obligeant à placer de facto la population en quarantaine.
En France, le niveau record d’angoisse à l’égard d’un virus atteint plus de 60 % d’individus qui se disent inquiets pour eux et leur famille. Si d’aucuns s’adaptent tant bien que mal à cette situation inédite, d’autres, sans doute plus fragiles, supportent très difficilement les conditions du confinement et les risques de contamination éventuelle. L’angoisse, qui est une réaction psychique normale lorsqu’on est confronté à un événement potentiellement dangereux, peut alors se transformer en détresse psychologique dans ses formes les plus exacerbées.
Certaines personnes disent même avoir été traumatisées à l’annonce des mesures gouvernementales et l’on parle de psychose collective, au sens littéral du terme. La peur panique de l’objet dangereux peut faire perdre tout contact avec une réalité anxiogène, dont la menace vient du dehors et échappe à tout contrôle. L’angoisse est d’autant plus accrue que le potentiel de propagation du virus représente un risque croissant pour la population, chaque jour confrontée au réel de la mort, que ce soit par l’intermédiaire des médias ou bien parce que des proches se trouvent dans un état de santé critique. On l’a bien compris, le covid 19 représente une menace pour la vie et c’est la confrontation brutale de l’individu avec cette éventualité qui est traumatique.
Pour conjurer l’angoisse trop envahissante, chacun met en place des stratégies de défense plus ou moins adaptées à la réalité de la situation. Si la plupart des individus ont des réactions mesurées et réfléchies, d’autres au contraire se cloitrent dans le déni et font fi des règles imposées, comme si leur attitude bravache allait les protéger de la maladie.
Les effets traumatiques de la crise sanitaire
Vivre dans un contexte de pandémie n’est pas neutre et l’annonce du gouvernement sur les mesures de confinement a rendu soudainement cette réalité concrète. Il a fallu nous rendre à l’évidence, le virus avançait à grand pas vers nos contrées et prolifère désormais dans le pays. Une pandémie est un événement traumatogène qui peut affecter la santé mentale de tout le monde, y compris celle des plus solides. Les réactions des individus dépendent de plusieurs facteurs tels que notre exposition au virus, nos expériences antérieures d’événements stressants, l’échange avec notre entourage, notre état de santé physique et notre charpente psychique. Les individus les plus fragiles peuvent avoir des réactions aigües, caractérisées par une sidération émotionnelle, une cristallisation de la pensée, qui sont typiques des troubles psychotraumatiques.
Se retrouver confiner en espace restreint, en présence de personnes avec lesquelles la relation est conflictuelle, peut s’avérer difficile. Pour le psychiatre Boris Cyrulnik, le confinement est avant tout une protection physique. Mais pour ceux qui ont acquis des vulnérabilités, il peut être vécu comme une agression psychique et réveiller la mémoire d’événements difficiles. L’enfermement forcé peut même générer un pic de cortisol, l’hormone du stress, qui diminue la capacité à penser. Notre rapport aux autres, au temps et au monde s’en trouve alors bouleversé car nous perdons nos repères.
Le confinement a ses vertus
A l’inverse, ceux pour lesquels les conditions matérielles et affectives de confinement sont favorables s’adapteront à cette situation de temps suspendu et s’en trouveront parfois même fort bien, y voyant une occasion de se rapprocher de leur famille et amis, de se reposer, de prendre du temps pour lire et réfléchir, s’adonner à une activité artistique,faire du tri et de la gym. L’une de mes patientes, créative et dotée d’une vie intérieure dense me disait apprécier cette situation, non pas de pandémie, mais de confinement, y trouvant une aubaine pour donner libre court à sa créativité, cuisiner et satisfaire sa curiosité intellectuelle.
Selon les individus, cette réclusion domestique peut être vécue comme une mauvaise aventure ou comme une bénédiction, ou les deux à la fois. Car si le contexte sanitaire n’était pas aussi dramatique, le confinement pourrait bien nous transformer en ermite béat, enfin libéré de son labeur et renouant avec les plaisirs simples de la vie, digne d’un Alexandre le bienheureux.
Emmanuelle Comtesse
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