L'état de stress post traumatique
Posté le 17/03/2013
L’Etat de stress post traumatique
Dans ses Etudes sur l’hystérie, en collaboration avec Breuer, Freud fut l’un des premiers à s’intéresser à la névrose traumatique. Avec l’évolution de la science et de la psychiatrie, l’état de stress post traumatique (ESPT) est aujourd’hui considéré comme une maladie à part entière qui nécessite une solide prise en charge thérapeutique.
Le point sur ce trouble encore mal reconnu et entretiens avec des spécialistes qui nous aident à oublier nos mauvais souvenirs.
« Ce film m’a complètement traumatisé », peut-on entendre dire à la sortie d’une séance de cinéma, ou encore «Il a crié tellement fort, que j’en ai été traumatisé ». Ces petits traumatismes de la vie ordinaire, nous les connaissons tous. Ils nous ébranlent un temps, mais nous les oublions vite parce qu’ils ne constituent en rien une menace pour notre intégrité psychique et physique. En revanche, les traumatismes avec un grand T laissent parfois des traces indélébiles.
Une relation sentimentale qui se brise brutalement, un accident de voiture survenue au retour des vacances, la perte d’un emploi, un attentat dans le RER, un viol, un inceste subi dans la petite enfance, des violences conjugales constituent autant d’évènements douloureux susceptibles de laisser des marques profondes dans le psychisme. Parfois des années après le traumatisme initial, il est difficile de nous défaire de ces blessures psychiques. Les personnes qui ont subi des traumatismes importants sont en état de stress post-traumatique (ESPT) et en présentent tous les symptômes. Elles sont pourtant conscientes que le danger s’est éloigné et que le mauvais souvenir qui continue de les hanter n’est plus qu’un cauchemar du passé. Elles savent qu’elles n’ont plus aucune raison d’avoir peur et pourtant, elles ressentent émotionnellement le danger chaque fois qu’elles sont exposées à des stimuli susceptibles de les renvoyer à l’épisode marquant.
Depuis 1992, L’ESPT est considéré par l’OMS comme une maladie qui touche deux fois plus les femmes que les hommes et survient chez 20 à 30% des sujets après un évènement traumatique, qui les a confrontés à la mort. Plus délétère que le stress, ce trouble sévère affecte considérablement la vie de ceux qui en souffrent et nécessite une solide prise en charge.
De la névrose traumatique à l’ESPT
Deux courants, respectivement issus des théories freudiennes et ferencziennes s’affrontent pour définir le traumatisme. Les adeptes du premier défendent l’idée que la nature de l’évènement traumatisant compte moins que l’affect qu’il déclenche dans le psychisme. Ils s’intéressent davantage à l’émotion suscitée par le traumatisme et à son expression symptomatique qu’à l’évènement qui en serait la cause. Les seconds ne contestent pas la réalité du traumatisme, mais plus que l’acte traumatisant, ce serait son impossible verbalisation qui aurait initié le traumatisme. A l’époque de Freud et de Ferenczi, le syndrome de stress post traumatique n’existait pas et le diagnostic de névrose traumatique reposait essentiellement sur le récit rapporté par le patient.
Avec la nouvelle définition imposée par le DSM IV (le manuel de psychiatrie américain), l’ESPT est fréquemment lié au statut de victime et la psychiatrie actuelle ne met pas en doute la parole du patient. Elle le reconnaît comme victime à partir du moment où le clinicien considère que le sujet a « vécu » l’évènement traumatique.
Ne pas confondre stress et ESPT
Anciennement appelée névrose post-traumatique, l’état de stress post-traumatique (ESPT) ou post traumatic stress disorder (PTSD) ne répond pas aux mêmes critères diagnostiques que le stress. Si vous êtes en état de qui-vive, que vous avez des troubles du sommeil et que vous avez des difficultés à vous concentrer, il y a de fortes chances pour que vous soyez stressé.
En revanche, si le souvenir d’un évènement particulier revient de façon récurrente sous forme de cauchemars, d’images, de pensées, de flash back ou de sensations physiques, que vous fuyez toutes les situations qui vous rappellent l’événement traumatisant et que vous avez des troubles du sommeil ainsi que des réactions de sursauts exagérés, vous souffrez d’un stress post-traumatique, pour lequel il est conseillé de vous faire aider. Car si certains ESPT sont transitoires, d’autres peuvent évoluer vers une névrose traumatique qui amoindrit considérablement les défenses psychiques. Enfin, la gravité de l’ESPT ne se mesure pas systématiquement à l’aune de celle de la situation vécue, puisqu’un même évènement n’aura pas les mêmes effets chez tous les individus qui le subissent.
Qu’est ce qu’un traumatisme ?
A priori, il peut être envisagé comme un stress plus important que les autres. C’est le cas des anglo-saxons qui considèrent la différence de degré entre stress et traumatisme, mais pas celle de nature qui existe pourtant entre ces deux manifestations psychiques.
Nous sommes stressés lorsque nous subissons une forte excitation qui peut entraîner tout un cortège de symptômes psychiques et physiques, sans pour autant qu’il y ait effraction de notre enveloppe psychique. En revanche, nous risquons le traumatisme, lorsqu’un choc survient au moment où nous étions psychiquement au repos. Après son irruption brutale, l’image traumatisante pénètre nos membranes psychiques et s’y fixe. Freud parlait de l’incrustation d’un « corps étranger interne » auquel il est impossible d’associer une représentation et qui suscite l’effroi, la sidération. D’où ce sentiment de vide, d’abandon et de néant qui domine lorsque nous subissons un traumatisme, dès lors impossible à verbaliser. Les troubles psychiques apparaissent immédiatement ou parfois des semaines, des mois ou des années plus tard, alors même que la cause a disparu.
Traumatisme de type I et traumatisme de type II
Les spécialistes distinguent radicalement la victime sans antécédent traumatique et celle durablement exposée à des événements traumatiques.
La première souffre d’un traumatisme de type I (évènement unique), conséquence de catastrophe individuelle (viol) ou collective (attentat) qui la confronte brutalement au vécu de mort. Si sa charpente psychique est suffisamment solide, l’intégration du traumatisme favorisera le retour à une vie normale. En revanche si ses défenses psychiques sont trop faibles, la dissociation de la personnalité, également appelée dissociation traumatique, sera son seul recours pour survivre. Enfin, si la victime n’est pas reconnue en tant que telle, soit parce qu’elle n’a pas été entendue soit parce qu’elle n’a pas voulu se faire aider, le traumatisme de type I peut évoluer vers un traumatisme de type II.
La seconde présente un traumatisme de type II (évènements répétés) qui survient après des maltraitances familiales, notamment infantiles (inceste, coups, etc.), des violences d’Etat (génocides, tortures, guerre civile, etc.), du harcèlement moral, et des manipulations mentales telles que pratiquées dans les sectes. Dans ce cas, la dissociation, le déni, voire une amnésie des faits constituent autant de moyens de défense contre la peur et l’impuissance. S’ils permettent à la victime de contrôler les événements traumatiques sur un mode imaginaire, ils sont aussi à l’origine de véritables troubles identitaires. Enfin, les cauchemars récurrents qui s’imposent presque chaque nuit, avec flash back et arrêt sur image, sont le reflet de la répétition littérale qui signe l’impossible élaboration du traumatisme.
Peut-on avoir des prédispositions à l’ESPT ?
«Des études ont montré que les vétérans du Vietnam qui ont développé un ESPT souffraient d’une instabilité émotionnelle antérieure aux faits répond Marianne Kédia, psychologue clinicienne. Il est évident que des fragilités psychologiques préalables au trauma augmentent le risque de développer un ESPT. Mais n’importe qui peut avoir des réactions pathologiques, car la violence de l’évènement suffit à déclencher des symptômes post-traumatiques. Par exemple, après un viol, 50 à 90% des personnes souffrent d’un ESPT. Certaines d’entre elles se sentent alors très différentes de ce qu’elles étaient avant et décrivent de vraies modifications de leur personnalité.»
En outre, un traumatisme de type I peut parfois dissimuler un traumatisme de type II, et il est fréquent que des souvenirs larvés ressurgissent au décours d’un autre évènement apparemment sans lien avec le précédent.
« J’ai reçu une patiente venue consulter suite à un braquage, poursuit la psychologue. Il s’est avéré que cette personne avait subi un inceste dans la petite enfance. D’une certaine façon, l’évènement du braquage (trauma I) avait ranimé un traumatisme plus ancien (traumatisme de type II). »
Ces personnes sont capables de faire illusion longtemps. Elles donnent l’impression que tout va bien, affichent parfois une certaine indifférence émotionnelle. « En réalité, elles sont dissociées, explique Marianne Kédia. Leur vie est scindée en deux. Elles peuvent fonctionner de nombreuses années ainsi, un peu comme des automates. Jusqu’au jour où elles se trouvent en proie à un véritable débordement émotionnel lorsqu’une situation réveille une histoire traumatique déjà existante. Ces personnes sont davantage prédisposées à l’ESPT et le processus de guérison est plus long ».
La résilience
On ne sort jamais indemne d’un traumatisme, mais on peut en revenir aguerri, plus fort, grâce à certains facteurs de résilience qui permettent de faire face à une situation douloureuse.
Terme emprunté à la physique pour désigner la résistance au choc d’un matériau, la résilience, transposée à l’appareil psychique, serait une adaptation fonctionnelle aux situations pathogènes, une capacité à transformer un traumatisme, à surmonter une épreuve pour la dépasser. Pour le neuropsychiatre Boris Cyrulnik : « La résilience c’est un tricot qui noue une laine développementale avec une laine affective et sociale. C’est un maillage. ».
La résilience suppose un travail d’élaboration, de mise en pensée, de référence aux rêves, afin de faire remarcher l’appareil psychique anéanti par le traumatisme. Inutile de vouloir y arriver seul. Pour devenir résilient, il faut de l’aide, psychologique, juridique et sociale, mais aussi des oreilles attentives et des esprits compatissants.
Le traitement de l’ESPT dépend beaucoup du passé traumatique de l’individu. Mieux il est structuré psychiquement et plus il a de chance de s’en sortir. Dans tous les cas, ce trouble psychique nécessite une solide prise en charge psychologique avec des professionnels ayant une bonne connaissance de la clinique du psychotraumatisme. Enfin, loin d’être négligeable, le rôle de l’entourage est d’une grande importance pour accompagner la victime vers la voie de la guérison. Bien coordonnés entre eux, ces paramètres constituent autant de facteurs prédicateurs d’amélioration de l’ESPT.
Les réponses :
Pour en finir avec les états de stress post-traumatique et leur cortège de symptômes, il existe différentes techniques psychothérapeutiques, dont la psychothérapie d’influence psychanalytique. Basée sur les théories freudiennes, elle postule que la situation stressante déborde les défenses du sujet et que l’événement ne parvient pas à faire sens dans son histoire. Sa mémoire reste fixée à l’acte traumatisant et le condamne à l’infinie répétition symptomatique (la répétition littérale) qui empêche toute élaboration du traumatisme.
Le travail en P.I.P.. consistera à récupérer l’événement traumatique, puis à l’intégrer dans son histoire personnelle pour donner un sens au souvenir. Ceci est d’autant plus valable que de nombreux auteurs pensent que la personnalité du sujet joue, dans l’après-coup, un rôle considérable dans la survenue et la gravité d’un ESPT. C’est pourquoi il est préférable de s’en tenir aux psychothérapies classiques qui tiennent compte de la structure psychique de l’individu, avec ses conflits et ses défenses.